LE SIÉCLE DES LUMIERES
XVIIIe siècle
(France et Europe)
Les graveurs sur bois, qui avaient joué un rôle éminent au XVe et XVIe siècles, ont à cette époque presque totalement disparu. On les retrouve uniquement dans les vignettes décoratives de quelques livres, dans l'ornementation. En effet, comme au cours du XVIIe siècle, la taille-douce demeure le procédé le plus courant. Cependant, à l'aube du XVIIIe siècle, en schématisant quelque peu, se dessinent deux grandes familles de graveurs : ceux qui manient le burin pour réaliser des gravures d'interprétation, et ceux qui utilisent l'eau-forte pour créer des gravures originales.
Mais quelque soit la technique choisie, l'image est désormais devenue un mode de communication évident dans l'Europe entière. Elle devient incontournable pour la diffusion des idées, des modes de pensée, des courants religieux ou politiques... Certains, comme Mercier dans ses Tableaux de Paris, iront même jusqu'à déclarer qu' « il se fait, de nos jours, un abus ridicule de la gravure ». A chacun d'en juger.
En outre, le XVIIIe siècle s'impose comme un siècle de prestige pour la culture française : ses philosophes, ses artistes, ses écrivains rencontrent des admirateurs dans toute l'Europe. Au début de ce siècle, on observe, malgré cette tendance, une relative dichotomie entre les philosophes qui font le procès de leur temps et préparent les révolutions à venir, et les graveurs qui se complaisent dans des compositions très délicates et charmantes, sans remise en cause d'un certain idéal.
Dans cette conjoncture, l' estampe et la vignette en particulier connaissent un grand succès. Ce sont, en fait, les dessinateurs qui semblent pendant un temps imposer leur style et conduire l'évolution de la gravure. Gravelot, premier grand illustrateur professionnel du siècle, se définira lui-même comme « dessinateur par goût et graveur par nécessité ». Cette vogue est si forte que certains peintres semblent avoir composé leurs tableaux avec la préoccupation évidente de les faire reproduire pour une large diffusion : les motifs s'en ressentent et l'on y observe des scènes propices à la copie miniature, des subtilités propres à la « gravure en petit ».
Dans ce même esprit de vulgarisation, les formats des livres se réduisent de manière significative dans la première moitié du siècle, afin d'en faire baisser le coût. Visant ainsi une part plus large de la population, l'illustration se démocratise et s'impose progressivement comme élément indispensable du livre ; s’y développe la grande vogue des vignettes, notamment dans les almanachs, très populaires en ces temps.
Almanach des dames pour l'an XIV = 1806
Tubingue : J.G.Cotta, [1806].
Fonds de conservation : MUT 0081
Parallèlement à cette édition démocratique, se développe la publication d'ouvrages de bibliophilie : qualité du papier, choix du format, élégance de la typographie, harmonie de la mise en page, soin accordé à l'illustration et à l'ornementation... tout concourt à la beauté du livre.
Cette mutation s'opère dès 1719, avec une édition des Fables de La Motte, illustrée par des vignettes de Gillot. Ses petites pièces carrées d'une imagination très riche possèdent une liberté et une grâce nouvelle, qui va permettre de renouveler le genre.
Il faut attendre 1734 pour voir apparaître une version de Molière en six volumes, enrichie par des compositions de Boucher pleines de vie et de légèreté.
Viennent ensuite, en 1755, les Fables de La Fontaine, illustrées par Oudry, qui marqueront également un tournant dans l'histoire de l'illustration. Les estampes de cet artiste devaient orner "l'édition la plus parfaite et la plus élégante qui fût", hommage rendu au fabuliste plus d'un demi-siècle après sa mort. Animalier du Roi, professeur de peinture à l'Académie royale, directeur de la Manufacture de Beauvais pendant vingt ans, Jean-Baptiste Oudry offre ici une interprétation remarquable des Fables de La Fontaine. Dans ses scènes, il sait capter les instants les plus significatifs des Fables, et les animaux sont rendus avec une finesse inégalée. Très fidèle au texte, son interprétation graphique se veut cependant surtout décorative afin de souligner l'ambiguïté de la mise en scène des récits, qui allient le naturalisme des tableaux à la fantasmagorie des mythes qu'ils représentent.
A cette époque, de nouveaux artistes commencent également à travailler au renouveau de l'illustration du livre : Eisen, Gravelot, Moreau le Jeune et Cochin vont donner au livre illustré français un prodigieux essor.
« Eisen réalise sa première œuvre importante d’illustration en 1751 : ce sont les dessins de l’Éloge de la Folie . De tous ces artistes, Eisen est celui qui réunit à la fois le plus de grâce, de finesse et de perfection. Cependant, ce qui donne à Moreau le pas sur Eisen, c'est la variété et la souplesse de son talent. Tandis qu'Eisen, qui excellait dans les sujets voluptueux et savait leur donner un charme inexprimable et abouti, le tout exécuté avec un velouté qu'on ne retrouve nulle part, on est forcé de convenir que son talent ne se prêtait généralement ni aux sujets tragiques, ni aux sujets comiques, ni à rien de ce qui tient à l'expression ; alors que Moreau, avec moins de fini qu'Eisen, a réussi dans tous les genres qu'il a traités.
Gravelot, qui a aussi exercé son art pendant une longue suite d'années, a été très fécond. Doué d'un talent étendu dans de nombreux genres, Gravelot manque peut-être un peu de cette délicatesse de burin qui fait le charme d'Eisen et de Moreau.
Ayant commencé le travail d’illustration très jeune, Cochin a fourni une très longue série d’œuvres. Aussi peut-on compter jusqu'à trois styles distincts dans la vie de cet artiste : la première, qui finit vers 1740, est proche de la raideur des peintres du XVIIe siècle, qui ont sans doute constitué ses premières références plastiques. La seconde, qui offre, parmi ses plus beaux résultats, l' Almanach iconologique, joint à cette perfection du trait beaucoup plus de charme. La troisième manière de Cochin, dont le principal exemple est l’illustration des Aventures de Télémaque, a sans doute un caractère de noblesse qu'on ne saurait lui contester ; mais elle pèche par le trop de grandeur des figures relativement au cadre des estampes, la rondeur et la plénitude des têtes, le manque d'expression, et parfois la froideur qui dépare ses productions. En revanche, la magnificence des frontispices que Cochin a exécutés pour certains ouvrages in-quarto et in-folio n'a été atteinte par nul autre. »
(source : Henry Cohen, Guide de l'amateur de livres à vignettes (et à figures) du XVIIIe siècle , 4° édition, Paris, éd. P. Rouquette , 1880).
De cette avant-garde, Moreau le Jeune est sans doute le plus complet : il est à la fois dessinateur, graveur original, et graveur de reproduction. Il réalise également de subtils encadrements pour ses vignettes. Car la mode a substitué au simple filet une bordure très élaborée, faite d'éléments végétaux ou simplement ornementaux.
Cette fantaisie se déploie également dans les en-têtes, les culs-de-lampe et les bandeaux. C'est là le triomphe du livre illustré au XVIIIe siècle. C’est dans cet art particulier que subsiste la gravure sur bois. Dorénavant, on considère les xylographies uniquement comme des pièces décoratives de bon marché… Il n’y a donc guère de nom de graveur sur bois connu au XVIIIe siècle, en-dehors de Jean-Michel Papillon. Artiste hors-pair dès son plus jeune âge – il commence la gravure sur bois en cachette à l’âge de 9 ans – il grave fleurons, culs-de-lampe et petits sujets décoratifs avec une dextérité inégalée jusqu’alors.
Mais à la fin du siècle, le public commence à se lasser de ces dessinateurs dont le badinage vire parfois au poncif, ainsi que de l'indifférence avec laquelle ils passent d'un auteur à un autre sans jamais remettre en cause leur style pictural. Le goût se porte alors progressivement vers d'autres ouvrages, comme les grands recueils de voyages. Ce goût accompagne l'essor de l'illustration documentaire, où l'image devient aussi importante que le texte. La gravure sur cuivre y acquiert ses lettres de noblesse à travers des entreprises éditoriales comme L'Histoire naturelle, par Buffon, ou encore L'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert. Ainsi, dès l'annonce de sa publication, Diderot pose d'emblée le principe : « le peu d'habitude qu'on a et d'écrire et de lire des écrits sur les arts rend les choses difficiles à expliquer d'une manière intelligible. De là naît le besoin de figures ». On comprend dès lors mieux tous le soin accordé à la réalisation de ces planches.
Denis DIDEROT et d’ALEMBERT
L’Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers
Paris : Briasson puis Ranckoucke, 1751-1777.
Fonds anciens et précieux : LSC 149
Ce renversement du rapport de force entre texte et image aura même son théoricien : le philosophe allemand Lessing et son livre Laocoon ou les frontières de la peinture et de la poésie (1766), dont l'influence sera considérable en Europe. Il y oppose la peinture, soumise au principe de simultanéité, qui représente des corps dans un espace, et la poésie, soumise au principe de diachronie, qui représente des actions se succédant dans le temps. Il poursuit sa réflexion en terme de langage : le peintre utilise un vocabulaire basé sur la reproduction mimétique de la nature, tandis que le poète emploie un langage composé de signaux arbitraires.
Au-delà de ce concept philosophique, l'illustration est toujours handicapée par la lourdeur de sa reproduction : l'eau-forte est nécessaire à la rapidité du style et de l'exécution, cependant le burin reste nécessaire pour consolider les tailles des planches à fort tirage. Ainsi, hors du livre et dans le livre, la technique et partout la même : une préparation à l'eau-forte, terminée ensuite avec des rehauts de burin. De ce fait, la gravure sur acier commence à se répandre. Ce métal étant en effet plus résistant que le cuivre, il permet d'obtenir un plus grand nombre d'épreuves. D'autre part, le rendu de cette technique est d'une grande précision, parfois d'une netteté un peu sèche selon certains artistes, d'où son utilisation pour la réalisation de cartes géographiques, notamment.
Parallèlement, se développent des techniques visant au fac-simile : manière de crayon, de pastel, de lavis... qui préparent les avancées technologiques à venir courant dès le début du XIXe siècle.
Abrégé historique et iconographique de la vie de Charles V duc de Lorraine dédié à son altesse royale Léopold 1er, son digne successeur
Nancy : Charlot et Deschamps, 1701.
In-folio de 29 planches gravées
Reliure pleine basane fauve marbrée, dos à gros nerfs, tranches jaspées
Fonds de conservation : MUT 1265
Attribué à un certain de Pont, gentilhomme portugais, cet in-folio célèbre la grandeur de la lignée de son dédicataire, Léopold 1 erdit le Bon. Tout y est pensé en ce sens, à commencer par la taille de l’ouvrage. Les gravures sont réservées aux belles pages et en emplissent tout l’espace, accentuant le caractère spectaculaire de la mise en page. Réalisées par un certain Waldtman, dont l’orthographe varie d’une signature à l’autre, elles proposent plusieurs niveaux de lecture par un habile jeu de construction. Le décodage de la planche est proposé en regard : on y lit les explications pour appréhender les différents éléments représentés. Véritable mosaïque des hauts faits d’armes de Charles V, l’ouvrage relate les nombreuses batailles auxquelles il a participé à la tête de l’armée impériale.
Ainsi, la planche 6 est consacrée à la bataille de Salzbach de juillet 1675, épisode de la guerre de Hollande, au cours de laquelle le Maréchal Turenne trouva la mort face aux troupes impériales du général Montecuccoli. Dans le coin inférieur droit de la planche, l’artiste a représenté cette scène : un boulet de canon emporte le bras gauche de Saint-Hilaire et frappe mortellement Turenne au côté gauche. Une autre planche transcrit le passage de la Forêt Noire par Charles V en 1678, alors qu’elle était réputée impénétrable. Grâce à cette manœuvre, il put délivrer la ville d’Offenburg. Une des dernières planches de l’ouvrage est consacrée à la conquête de la Transylvanie, en 1687. S’en suivent enfin, des gravures représentant sa participation aux premières batailles de la guerre de la Ligue d’Augsbourg.
ans l’interprétation graphique, on peut noter que le canon des proportions des personnages n’est pas encore conforme à notre conception moderne. Les visages semblent souvent disproportionnés par rapport au reste du corps, comme pour affirmer que la représentation faciale prime sur le reste. Au demeurant, c’est bien d’un portrait historique qu’il s’agit…
Pierre-Rémond de MONTMORT
Essai d'analyse sur les jeux de hazard
Paris : Quillau, 1708.
In-quarto
Fonds anciens et précieux : RES F 625
Chanoine à Notre-Dame et membre de l’Académie de Paris, Pierre-Rémond de Montmort marque avec cet ouvrage les débuts du calcul de probabilités. C’est après avoir lu un résumé de vie du célèbre mathématicien Jacques Bernoulli (1654-1705) qu’il le rédige. Il y présente ses théories en trois chapitres, consacrés respectivement aux jeux de cartes, jeux de dés, et autres problèmes liés aux jeux de hasard. S’appuyant sur ces exemples pratiques et concrets, il propose les premiers développements des calculs combinatoires. Homme modeste, dans sa préface, il n’omet pas de vanter les mérites de ses prédécesseurs qui se sont déjà essayés à cette science du calcul des probabilités. De même, il cherche à démontrer l’intérêt philanthropique de ce sujet : « j’ai donc cru qu’il serait utile, non seulement aux joueurs, mais aux hommes en général, de savoir que le hasard a des règles qui peuvent être connues, et que faute de connaître ses règles, ils font tous les jours des fautes, dont les suites fâcheuses leur doivent être imputées avec plus de raison qu’au destin qu’ils accusent ».
Pourtant, il s’en tient uniquement aux jeux de hasard, et n’étend pas sa réflexion dans des domaines politiques, économiques ou moraux, comme aurait pu le faire Bernoulli.
Témoin du rôle que joue désormais l’illustration dans les livres, cet ouvrage de mathématique compte dans ses pages quatre vignettes purement décoratives, et réalisées par un artiste de renom : Sébastien Le Clerc. Placées en tête des différentes parties, elles servent tant à matérialiser la transition, qu’à offrir un certain divertissement au lecteur…
La vignette introduisant la première partie représente le jeu du lansquenet, jeu de cartes alors très couramment pratiqué. Dans sa composition parfaitement équilibrée, Le Clerc a représenté un mauvais perdant qui jette de rage ses cartes à terre et quitte la table de jeu. Ce mouvement d’humeur donne de l’énergie à la scène, où le décor parfaitement symétrique et la tenue stricte des personnages auraient tendance à produire une scène par trop figée. En effet, Sébastien Le Clerc est devenu un des principaux représentants de l’école esthétique française, prônée à Versailles, et où règne la rigueur du classicisme.
Comme pour mieux coller au propos, comble du hasard, cette vignette a été involontairement imprimée à l’envers !
Benoit PICART
Histoire ecclésiastique et politique de la ville et du Diocèse de Toul
Toul, A ,Laurent : [S.n], 1707
In-quarto de 710p.
Fonds de conservation : LSB 19
Œuvre d’un prêtre capucin, l’ornementation est limitée à l’essentiel, comme pour respecter le principe de pauvreté absolue auquel s’astreignaient ces frères. Ainsi, elle sert avant tout de support à la compréhension : cul-de-lampe, lettrines et bandeaux marquent les principales articulations logiques du texte. En outre, la même vignette xylographiée se trouve en début de chaque chapitre. Elle contient une scène composée de trois charmants putti, sujets très classiques dans l'ornementation du XVIIIe siècle.
Unique concession faite à la modicité de l’illustration, deux cartes à déplier sont réalisées en taille-douce par Guillaume de l'Isle, membre de l'Académie Royale des Sciences. Ce choix dans la technique utilisée est sans doute fait dans le souci d'apporter plus de précision à la représentation. Sur l'une de ses cartes, honneur suprême, on trouve le blason de Toul rehaussé d'or et de gueules (nom donné au rouge en héraldique).
Enfin, comme le veut la mise en page classique, un portrait frontispice représente le dédicataire : Monseigneur François Blouet de Camilly, évêque de Toul, conseiller du roi en son conseil d’état. Il faut savoir qu'à cette époque, le diocèse de Toul est le plus important et le plus riche de Lorraine, et regroupe plus de 760 paroisses. Aussi, en 1704, lorsque le roi le nomma, François Blouet de Camilly était-il déjà docteur en Sorbonne et grand-vicaire de Strasbourg.
Rajoutons encore, pour être exhaustif, la présence d'une lithographie de la cathédrale de Toul, adjointe ultérieurement à la fin de l’épître dédicatoire ; elle est l’œuvre de l’abbé Morel.
Sébastien LE CLERC,
Principes de dessein par S. le Clerc
Paris : G. Audran, [1700].
In-12 de 52 pl. gravures au trait, titre compris.
Reliure en maroquin rouge ; sur le 1er plat, le nom imprimé en or : Mr de Bachaumont.
Fonds ancien et précieux : RES HH 107
Au début du XVIIIe siècle, Sébastien Le Clerc a acquis une certaine notoriété. Tant et si bien que bientôt Colbert lui-même voulut s’attacher à lui : il lui donna un logement aux Gobelins avec une pension de 600 écus. Mais il y mit la condition expresse qu’il consacrerait exclusivement son talent au service du roi. Sébastien Le Clerc accepta cette clause, et donna en sus des leçons de dessin à l’un des fils de Colbert. C’est sans doute à ce titre qu’il réalisa ce carnet de croquis, véritable ouvrage didactique pour apprendre les rudiments du dessin. On y voit les traits de constructions, les systèmes de proportion et les différentes études d’une même partie du corps, qui constituent en somme les esquisses prosaïques de tous dessinateurs.
Quant à l’apprentissage de Le Clerc, le mystère n’est pas encore totalement levé et l’on ne peut émettre que des hypothèses. On ne sait comment le jeune artiste s’initia à la gravure, sans doute au côté de son père orfèvre. Quoiqu’il en soit, il s’y appliqua tellement qu’il ne se souvenait pas de l’âge auquel il avait commencé à graver. Cette explication paraît réaliste pour le maniement du burin, mais concernant l’eau-forte, le doute est plus prononcé. En tant qu’orfèvre, son père ne maîtrisait pas cette technique… L’aurait-il apprise auprès de l’ingénieur Brioys ? En parfait autodidacte, en consultant l’ouvrage d’Abraham Bosse ? Toutes les conjectures sont envisageables.
Sébastien LE CLERC
Traité d'Architecture avec des Remarques et des observations très utiles
Paris : P. Giffart, 1714
In-quarto, deux volumes
Fonds anciens et précieux : RES NN 18 et RES NN 19
En 1710, Sébastien Le Clerc eut à craindre un moment de perdre la vue ; il fut obligé de suspendre momentanément ses travaux. Il les reprit bientôt, mais pour quelques années seulement. La mort l’enleva alors qu’il venait de mettre la dernière main à son Traité d’architecture. Dans son inventaire après décès, il est fait mention de cet ouvrage dont il composa le texte et les 184 planches : publiés peu de temps avant sa mort, ces deux volumes firent l’objet d’un traité d’exploitation daté du 28 mai 1713 avec un nommé Pottier.
Ultime ouvrage réalisé par Le Clerc, ce traité réalise la somme de ce à quoi toutes ses études avaient tendues et vint couronner sa carrière. Féru de géométrie et des techniques de perspective, qu'il enseigna à l'Académie de peinture, il débuta sa carrière en exécutant plusieurs plans de forteresses du pays messin. Il se perfectionna par la suite dans le génie militaire, puis décida de venir à Paris, pour y étudier plus à son aise et mieux cet art qu’il avait l’ambition d’illustrer.
Composé en deux volumes, Le Clerc contourne les difficultés d’impression simultanée liées à la taille-douce en réservant les illustrations dans un volume spécialement dédié aux planches. Ici, en jouant sur un jeu de renvoi du texte vers l’image, celle-ci devient purement documentaire. Sur un plan historique, ce travail revêt également un grand intérêt, puisqu’il fait l’état de manière précise et détaillée des connaissances et des goûts architecturaux de l’époque.
Journal de ce qui s'est fait pour la réception du Roy dans sa ville de Metz, le 4 Août 1744. Avec un Recueil de plusieurs pièces sur le même sujet, et sur les accidens survenus pendant son séjour
Metz : P. Collignon, 1744.
In-folio contenant 8 planches
Fonds anciens et précieux : RES IN-4 021
Dans ce livre de fêtes consacré à la venue de Louis XV à Metz, en septembre 1744, l’illustration se limite à 8 planches in-folio. En effet, les gravures participent à la grandeur de l’événement et ne sont consacrées essentiellement qu’aux cérémonies fastueuses en l’honneur du souverain. Quant aux accidents survenus pendant son séjour, à savoir la maladie du roi qui aurait dû le conduire à une mort très certaine, seul le texte en fait état…
Car il faut bien avouer que cet incident revêt un caractère peu reluisant voire préjudiciable pour le règne de Louis XV. Ainsi, en visite aux armées messines, Louis XV tombe gravement malade. Condamné à une mort imminente, le parti dévot pousse Mgr de Fitz-James, premier aumônier, à exiger du roi une ultime confession publique dans laquelle il déclare être indigne du nom de roi Très Chrétien. Pour obtenir l’absolution, il semble résolu à se repentir et renvoie sa maîtresse à Paris. Répandue par le clergé, cette confession stupéfie le peuple. Et sa maîtresse, « favorite » en titre, doit fuir la ville sous les huées.
Néanmoins, après son rétablissement, le Roi reprit leur liaison. Mais Madame de Châteauroux, marquise de La Tournelle, décéda brutalement cette même année, le 8 décembre, des suites d'une péritonite. Cette mort parut suspecte à certains qui parlèrent, sans preuves, d'empoisonnement.
On comprend dès lors que l’illustration s’abstienne de faire étalage de cet épisode douloureux, par souci de bienséance et de déontologie politique. Pourtant, preuve que ses sujets n’étaient pas rancuniers, une cérémonie célébrant la guérison du roi fut officiée en l’église Notre-Dame de Metz, en présence de la reine Marie Lszczynska et du dauphin. Après un éloge introductif de Saint Louis, le prêtre fit acclamer le roi sous le titre de « Louis le Bien Aimé ». Le fait fut colporté par les gazettes et Louis XV garda pour la postérité le dénominatif qui lui fut donné dans cette église.
Pierre Joseph BUCHOZ
Atlas du Traité historique des Plantes qui croissent dans la Lorraine et les Trois Evêchés...
[Nancy] F. Messin, 1762-1770
In-quarto de [2] p., 100 feuillets de planches
Reliures armoriées ; don Yvonne et André Mutelet (1993)
Fonds anciens et précieux : RES RAN 0003
Né à Metz le 29 Janvier 1731, Pierre-Joseph Buchoz fit des études de droit, puis de médecine. Il est reçu avocat à Pont-à-Mousson en 1750. S'intéressant à l'histoire naturelle, il entreprend des études de médecine, est fait docteur à Nancy en 1759 et nommé médecin ordinaire du roi Stanislas. Mais il abandonna ce titre pour se consacrer à sa passion : la botanique. Ayant contribué à la création du jardin des plantes de Nancy, il donna des cours d'histoire naturelle en publiant de nombreux articles, dissertations savantes et ouvrages. Ainsi, il est l’auteur d’une histoire des plantes en Lorraine de 13 volumes, présentée ici.
L'œuvre de Buchoz, qui concerne essentiellement la médecine et l'histoire naturelle est immense : plus de 300 volumes, dont une centaine d'in-folio. Ce travail colossal ne l'enrichit pourtant pas. Il publie lui-même la plupart de ses ouvrages à ses propres frais, ou sollicite des mécènes, comme en témoignent les armes de différents personnages de haut rang apposées sur de nombreuses planches.
Très controversé au XIXe siècle du fait de l'abondance de sa production , nul ne conteste cependant la beauté de ses illustrations. Réalisées en taille-douce par de nombreux graveurs émérites, parmi lesquels Dominique Collin, Lachaussée, Madame Pinard, Claude Fessard…, sa flore de Lorraine est toujours considérée comme une référence importante en botanique.
Entre autres traités d’agriculture et de pharmacopée, il publie également un Manuel usuel et économique des plantes, dans lequel il expose sa conception de la culture : en parfait philanthrope, il préconise une agriculture raisonnée en cohérence avec une bonne gestion des ressources naturelles. Son opinion paraît aujourd’hui très moderne et avant-gardiste ; mais à son époque, elle était en total contradiction avec la vision de son principal rival, Parmentier, qui prône une agriculture intensive sur de grandes surfaces.
Jean ANTOINE
Traité d'architecture, ou proportions des trois ordres grecs, sur un module de douze parties, par Jean Antoine, architecte et arpenteur génal du Dépt de Metz
Trèves, Nancy, Metz : Impr. de S. A. Sérén. Elector, N. Gervois, Marchal, 1768
In-quarto de XX pages
1 /2 reliure en veau fauve orné
Fonds anciens et précieux : RES DD 104
Au XVIIIe siècle, la France tient une place de premier rang dans le domaine de l'architecture et de l'art urbain. Riche et complexe, la deuxième moitié de ce siècle est avant tout marquée par l’apogée de l'architecture néoclassique, qui utilise les éléments gréco-romains (colonnes, fronton, proportions harmonieuses, portique…). La découverte et les fouilles des sites italiens de Pompéi et Herculanum ont en effet remis à jour les formes antiques. Mais la difficulté majeure réside dans l’articulation entre architecture et arts décoratifs. L’atonie de la commande publique et le tarissement des grands programmes ont pu conduire à confondre l’une et les autres, et les mouvements du siècle tendent parfois plus à l’enchaînement des « styles ».
Les graveurs sur bois, très en vogue durant le XVe et le XVIe siècles, ont à peu près disparus à l’époque de cet ouvrage. Pourtant, curieusement, l’auteur utilise la xylographie pour illustrer son propos. Par cette technique, le rendu est certes assez grossier, mais il permet une impression simultanée du texte et de l’image, ainsi qu’une imposition aisée. Architecte et arpenteur général du département de Metz, Jean Antoine n’hésite pas à utiliser des exemples précis tirés de l’architecture civile lorraine pour illustrer son propos. Pour lui, ainsi qu’il l’écrit dans sa préface : « L’architecture civile est une science qui apprend à former dans l’esprit, et à tracer sur le papier le plan d’un édifice (…) pour le bâtir de façon qu’il réponde à l’intention de celui qui le fait élever ».
De ces illustrations émane une architecture sobre voire ascétique, agrémentée par quelques ornements. Ainsi, dans son traité de référence, Jacques François Blondel présente l’architecture de cette époque comme un effort de synthèse entre « distribution, construction et décoration ». Les différents édifices présentés en coupe dans cet ouvrage en témoignent bien volontiers.
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